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7 novembre 2011 1 07 /11 /novembre /2011 16:31

Marx définit le travail comme étant l’essence de l’homme : pourquoi ?

 

 

 

        D’abord parce que l’homme est son corps. Dieu n’existe pas, ni aucune âme immortelle ou éternelle. Que pourrait alors être un individu si ce n’est son propre corps ? Or ce corps qui n’a pas d’instinct doit, pour survivre, effectuer un certain travail, sur le monde et sur soi-même.

 


 

    Ce corps d’homme n’est pas seulement des organes comme le cœur ou les poumons, les reins ou le foie, mais c’est aussi le cerveau : vascularisé et oxygéné, comme tout organe.

 


 

      Le cerveau est inséparable du reste du corps, et le corps est d’abord engagé dans le monde pour vivre et pratiquer cet environnement terrestre et humain.  Avant d’avoir des idées, nous pratiquons le monde. Nos idées sont plutôt des reflets, dans nos cerveaux, des pratiques qui sont les nôtres au quotidien, et qui sont ce qu’elles sont que nous en ayons ou non conscience. C’est l’inconscient des pratiques socio-économiques. Cet inconscient dépend de notre classe sociale d’appartenance et du niveau de technique de notre époque.

 


 

      Aussi Marx va-t-il reprendre toute l’Histoire universelle, construite chez Hegel comme histoire des idées et de la répartition du pouvoir, donc le savoir et la politique, mais à la place il va mettre une seule chose, matricielle de tout le reste selon lui, la division du travail, l’organisation du travail, l’évolution et la complexification du travail, vers une simplification du travail. Les idées vont rapidement apparaître comme des moments abstraits et incomplets d’un processus réel qui est celui du travail, et la politique va elle-même apparaître comme une manière incomplète de gérer des rapports de force dans le travail, et sera vouée à disparaître lorsque l’organisation du travail sera cohérente enfin.

 


 

     Dieu n’existant pas, la matière incréée qui se brasse en vient sur cette planète à donner naissance par hasard et nécessité à des mammifères dont une sorte va s’appauvrir en instinct et devoir pallier ce manque par un travail : l’homme.

 


 

1) Première forme de la société : le clan primitif.

    Les premières hordes, clans, tribus sont dans la nature, et forment une sorte de communauté où la division du travail est la plus faible possible. C’est d’emblée en termes de division du travail que Marx décrit le clan primitif.

 


   Parce que la division du travail est faible, presque nulle, chacun est polyvalent, fait tout, il n’existe pas de métier spécialisé, donc de pratique spécialisée faisant naître des mentalités très distinctes. Il n’y a donc pas de classes sociales, ni de conflit entre classes sociales, ni donc le besoin d’inventer des normes de droit qui seraient transcendantes à la société et qui devraient la diriger d’en haut.

            

        Division du travail presque nulle : certes ce sont les femmes qui font les enfants et les allaitent, jamais les hommes, mais sinon toutes les tâches se font en commun. Nous avons là un communisme primitif, qui est certes un communisme, mais abstrait.


 

        De même que l’infini hégelien est abstrait tant qu’il n’a pas développé ses contradictions, de même le communisme primitif est abstrait parce que les contradictions qu’il contient, la division du travail et les conflits qui en résultent, sont en germe. Abstrait veut dire en puissance, qui n’a pas poussé sa croissance à son terme, pas concret donc. Abstrait veut dire aussi partiel, et donc de même que l’infini de départ chez Hegel est partiel, il lui manque le fini, de même le communisme abstrait de départ est partiel, il n’est qu’une partie de la nature qui lui impose ses contraintes de l’extérieur. Ce n’est qu’à la fin de l’Histoire que l’on verra s’imposer un communisme concret, dans lequel l’extériorité de la nature aura été complètement surmontée, celle-ci ayant été totalement humanisée par la technique.

    (Partiel et en germe, c’est lié, de même que complet et ayant fini sa croissance.)

 

 

 

 

       Pas de droit institué ni de politique dans les sociétés primitives, plus de droit dans le communisme final où l’Etat aura perdu sa raison d’être et devra dépérir, ainsi que la religion et toute transcendance. Mais dans l'entre-deux, l’Histoire, les figures du droit vont se succéder, passant du droit aristocratique au droit divin monarchique puis aux droits de l’homme, pour parvenir enfin à la disparition du droit parce que la liberté sera devenue un fait. (On ne parle de droit que quand il y a des contradictions et des insatisfactions dans les faits, estime Marx.)

 

 

 

 

     Le conflit premier, c’est celui qui oppose l’homme à la nature. Rudesse et variations brusques du climat, maladies, prédateurs, accidents multiples, sont cause d’inquiétude, d’insatisfaction.  L’homo faber, engagé dans cette pratique de la nature par laquelle il doit la transformer et se transformer, faisant un double travail, sur elle et sur soi, va peu à peu modifier sa situation.

 

 

 

 

2) La cité antique et la division ville/campagne au profit de la ville.

 

 

 

 

        Lentement, il se sédentarise et passe à un nouveau type de vie : on voit apparaître la division ville/campagne, avec les différences de pratiques qui en résultent, donc les différences d’idéologies : l’idéologie citadine, et la mentalité rurale. Le rapport de force se fait au profit de la ville, la polis, qui possède le pouvoir, la domination, ce qui entraîne que le pouvoir sur l’ensemble social s’appellera politique.

 


 

     C’est donc en ville qu’on voit la division du travail jouer à plein, alors qu’elle est quasi inexistante à la campagne. On y trouve une classe de dirigeants, une classe de soldats professionnels, dans lesquels on  voit des hauts gradés et des exécutants de base, et une classe d’artisans avec leur hiérarchie, ainsi que des esclaves.

 


 

    Une idéologie va arbitrer les conflits sociaux au profit de la classe dominante : soit l’idéologie aristocratique qui ne valorise pas le travail mais la contemplation, avec l’idéal platonicien du philosophe-roi, soit l’idéologie du citoyen libre qui peut participer aux affaires publiques sur l’Agora, qui appartient à la classe aisée de la Cité. Libres, ils le sont car leur travail leur laisse le loisir de vaquer à d’autres préoccupations que la seule activité d’exercer leur métier.


 

3)  La société féodo-marchande,  la division ville-campagne s’équilibre, avec un léger avantage de la campagne, propriété foncière, sur la ville.


 

   La division du travail existe en campagne comme en ville, avec le Seigneur, le vassal, les diverses sortes d’agriculteurs plus ou moins libres et plus ou moins serfs, des palefreniers, cuisiniers, jardiniers, valets…mais la richesse est proportionnelle à la possession d’une vaste terre, d’un grand domaine, à la fois signe visible de prestige et source de revenus par l’impôt. Les grandes fortunes ne sont donc pas les citadins mais les nobles possesseurs de vastes terroirs et châteaux.

 


     L’idéologie est là encore favorable à ceux qui travaillent le moins : les nobles, chasseurs pour le loisir et guerriers, le clergé consacré à la prière et au spirituel. Ils se partagent le pouvoir temporel et spirituel. L’équilibre s’instaure dans la notion d’un droit divin défendu par la noblesse, ce que les anticléricaux appelleront l’alliance du sabre et du goupillon, et qu’on voit déjà dans les sociétés traditionnelles conservatrices où le prestige est l’affaire des grands prêtres et de la haute hiérarchie militaire. Bref tout ce qui échappe à l’entretien de la vie ordinaire et qui touche à la mort, à l’au-delà, aux interrogations qui en résultent.

 


 

  La noblesse et le clergé n’ont pas intérêt à ce que la société ne change trop car ils pourraient perdre leur pouvoir temporel et spirituel, garants l’un de l’autre, l’un par la force, l’autre par le droit. Ils sont plutôt conservateurs, et s’organisent pour contrôler autant que possible l’économie, la circulation des biens et des personnes, la concurrence des pratiques innovantes et des prix.

 


   Mais à cette économie maîtrisée par la monarchie de droit divin et maintenue autant que possible dans un certain conservatisme, (malgré les progrès dans les manufactures et industries en raison d’une concurrence entre monarques par prestige notamment, on n’arrête pas le progrès même quand la volonté politique s’assigne pour but de le contenir ou au moins maîtriser le plus possible) va s’opposer une économie qui échappe à ce contrôle, l’économie sur voie maritime, celle de la concurrence pour la vitesse, le tonnage, les comptoirs, les colonies.

 


    Cette économie marchande de libre échange qu’aucune corporation ne maîtrise va se montrer une extraordinaire source d’accumulation de richesse. Les villes portuaires se développent, et il devient plus rentable de posséder des immeubles ou de prêter de l’argent que d’avoir des hectares à la campagne. Une bourgeoisie est en train de monter, une partie de la noblesse est en train de s’embourgeoiser, de mettre ses pratiques et ses valeurs dans la spéculation et le commerce, dans le calcul, davantage que dans la noblesse, le courage, la grandeur d’âme et le panache. D’abord discrète, l’ascension de la bourgeoisie est irrésistible, les rois qui veulent payer leurs armées pour garder leur rang devront emprunter à la bourgeoisie, et cette dette vaudra reconnaissance de pouvoir, ce qui oriente les monarchies vers des modèles moins absolutistes, plus parlementaires.

 


 

4) La bourgeoisie et le prolétariat.

 

 

            Aux physiocrates qui croient que la richesse vient de la terre et croît comme les plantes, les économistes bourgeois opposent la loi de l’offre et de la demande, la division du travail et la rationalisation de la production par mise en synergie des travailleurs : le marché, l’économie de marché. Plus le marché est grand et plus on peut pousser la division du travail et donc la spécialisation de la production, qui trouvera des acheteurs en nombre suffisant sur un grand espace, et sera impossible dans une économie trop locale. « Laissez-faire ! Laissez-passer ! » sera la devise de cette nouvelle économie.

 


        Cette économie en insistant sur l’offre et la demande qui détermine les prix, la valeur, laisse de côté la question du temps de travail humain et donc la plus-value dégagée par le temps de travail humain exploité et non rémunéré, qui est la vraie source du profit capitaliste, d’où l’annonce par Marx de la disparition de cette économie au profit du communisme.

 

 

 

 

     D’où vient en effet la formidable accumulation de richesses du capitalisme ? De la plus-value. Si un ouvrier en travaillant six heures produit de quoi se nourrir et se loger, de quoi entretenir son existence, alors les heures de travail effectuées en plus sont de la plus-value, surtout si l’ouvrier a un salaire de subsistance ne lui permettant aucun luxe.

 


 

     Pour accroître le rendement, il est judicieux de diviser la production en étapes spécialisées effectuables machinalement, qui ne demandent pas de qualification. L’ouvrier faisant un travail morcelé ne se reconnaît pas dans le produit final, et n’étant pas valorisé il peut être mal rémunéré. Il est facilement remplaçable par quiconque. Ainsi la rationalisation de la production maîtrisée par le patron lui permet de contrôler l’ouvrier qui est aliéné. Le travail aliéné est source de profit pour l’employeur, et source de misère et de malheur pour l’employé.

 


 

     Marx donne ensuite les raisons pour lesquelles le capitalisme va disparaître, et pourquoi il est un mode d’économie contradictoire. La société bourgeoise contient une triple contradiction :

 

-contradiction logique

-contradiction économique

-contradiction sociale.

 

La contradiction logique : l’économie capitaliste est une économie de concurrence.

      Or dans une concurrence, certains perdent et tombent dans le prolétariat, ne pouvant que louer leur force de travail. Le nombre des capitalistes est donc voué à diminuer, de sorte qu’ils seront de moins en moins nombreux et de plus en plus riches.  A terme, un très gros propriétaire des moyens de production finira par avoir le monopole dans un domaine, voire dans plusieurs, et pourquoi pas dans tous.  Dans ce cas, il n’y aura plus de concurrence, ce ne sera plus une économie capitaliste.

 Bref le capitalisme travaille à faire disparaître le capitalisme, il est de l’intérieur animé par la contradiction qui mène à sa suppression.

 

 

 

 

 

 

 

 La contradiction économique : la surproduction capitalisme paupérise les consommateurs, ce qui prive cette surproduction de débouchés.

 

      Les bourgeois, propriétaires des moyens de production, sont de plus en plus riches et de moins en moins nombreux, les prolétaires, de plus en plus nombreux et de plus en plus pauvres, car exploités. Ils sont donc de plus en plus productifs, mais leur pauvreté rend impossible qu’ils absorbent la surproduction résultant de leur surtravail aliéné.

 


     On le voit déjà au fait que jusqu’ici il était difficile de produire assez pour nourrir tout le monde lors des périodes climatiquement très défavorables, or pour la première fois, il devient économiquement rentable de détruire des tonnes de café, de maïs ou de blé parce que leur commercialisation serait coûteuse en raison des transports et des intermédiaires, il est plus rentable de détruire les surplus et de commercialiser une partie seulement mais à prix incluant marge bénéficiaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   Enfin la contradiction sociale : quelques bourgeois toujours plus riches, face à des travailleurs toujours plus pauvres, dont certains en haillons, c’est explosif, on va à la Révolution.


    « La bourgeoisie engendre ses propres fossoyeurs » dit clairement Marx en 1847 dans le Manifeste du Parti Communiste. Elle a vidé les campagnes de leur main d’ œuvre agricole pour remplir les banlieues des grandes villes, préparant les conditions d’une révolution prolétarienne internationale.


    Lorsque les ouvriers français, anglais, allemands, italiens, espagnols, se sentiront plus proches des ouvriers d’autres nations que de leur patron, on ne pourra plus régler les crises par la guerre, en faisant s’entretuer les ouvriers des autres Etats, il existera une internationale ouvrière, les contradictions du capitalisme devront se régler par d’autres voies.

 

 

 

 

         Lorsque la bourgeoisie aura supprimé le clergé et la noblesse, et qu’il ne restera face à elle que des prolétaires louant leur force de travail et de plus en plus misérables, les conditions seront mûres pour une révolution qui supprimera la lutte des classes en supprimant toute classe sociale.

 


   Il n’y aura plus de classe sociale, l’humanité sera son propre dictateur, sera libre enfin, ce sera la dictature du prolétariat (sur le prolétariat) : or quiconque est son propre dictateur est en réalité libre.

 

 

    Que sera la société sans classe : impossible de le dire puisque nous sommes en 1850 ou 1860, ou 70, avec un cerveau de ce temps qui ne peut penser le détail précis d’un avenir non encore réalisé. La conscience n’étant que le reflet de la situation matérielle, elle ne peut en dire trop sur une situation matérielle non encore advenue.

 


     Mais si la conscience n’est que reflet, si elle ne pense jamais la vérité universelle et éternelle, mais seulement une idéologie, alors comment la pensée de Marx ne serait-elle pas elle-aussi une idéologie ? Si la conscience n’a aucune autonomie, pourquoi celle de Marx serait-elle plus lucide que celle d’un autre penseur non marxiste ? La pensée de Marx n’est-elle pas, par définition, d’après Marx lui-même, une simple idéologie parmi d’autres ?

 


     Bien sûr que ma pensée, à moi, Marx, est une idéologie, et par aucun miracle il ne pourrait en être autrement. Mais c’est l’idéologie de la fin des idéologies, c’est l’idéologie qui totalise les affrontements idéologiques et montre la voie simple de leur disparition nécessaire. C'est l'idéologie de la sortie des idéologies. La lutte des classes travaille naturellement à la suppression de la lutte des classe par disparition des adversaires au profit d’un seul gagnant qui est autre que tous les hommes, par leur travail, coordonné objectivement en un monde matériellement cohérent qui n’a plus besoin d’être organisé d’en haut par un droit transcendant.

 


 

    Le droit transcendant n’existe que quand il existe des contradictions dans la société : droit aristocratique ou d’une élite plus ou moins nombreuse à l’époque de l’esclavagisme, droit divin à l’époque de la noblesse, droit de l’homme à l’époque de la bourgeoisie. Mais quand la liberté sera un fait, il n’y aura plus besoin d’un droit.

 


     Une société cohérente, sans contradictions, sera débarrassée de la violence due aux inégalités sociales, sera débarrassée des différences d’opinions donc de conflits religieux ou politiques, il n’y aura plus ni Dieu ni Maître, seulement des hommes libres dans une société cohérente. Mais cette manière de dire : « Ni Dieu, ni Maître » est l’exact opposé de l’anarchisme : pour l’anarchisme, seul l’individu existe vraiment et est réel, concret, tandis que la société, qui ne sent rien, n’est qu’une abstraction. Pour Marx au contraire, comme Hegel, c’est le tout qui est réel et concret, l’ensemble des hommes en tant que résultat d’une histoire rationnelle qui surmonte les contradictions et passe de l’aliénation à la liberté, tandis que l’individu isolé n’est qu’une abstraction sans réalité.

 


      On pourrait imaginer des entreprises sans chef, en autogestion, et des hommes qui travailleraient peu d’heures par jour, qui changeraient fréquemment de poste avant que la routine ne les ennuie.  Quand la société sera objectivement et matériellement organisée, cohérente, mûre, elle satisfera les besoins des hommes de manière harmonieuse. 

 

 


 

           CRITIQUE DES PROPOSITIONS DE MARX

 


 

 

          On le voit Marx comme Hegel historicise (davantage même que Hegel puisqu’il supprime Dieu) et particularise la conscience. Il s’expose à donner les pleins pouvoirs à de simples particularités, et donc à rendre impensable la légitimation de son propre discours, à lui ôter toute universalité et nécessité. Il a une solution cependant, comme déjà Hegel avec Napoléon, qui consiste à totaliser le cours de l’Histoire.


    (De même les logiciens qui refusent toute transcendance mystique et toute ouverture du système par l’intuition doivent parvenir à totaliser leur système, à démontrer qu’il est cohérent dans toutes ses parties et complet, capable de dire tout ce qu’il faut dire pour que le système parle de lui-même, comme on le voit dans le positivisme logique et dans le programme de Hilbert, dont Gödel va démontrer l’impossibilité et la fausseté en 1931).


 

         Une des critiques courantes consiste à montrer que ni Hegel ni Marx ne totalisent l’histoire par leur monisme. Aux monismes de Hegel, de Marx ou de Comte, voire à celui de Heidegger, ou de Nietzsche, on peut opposer des pluralismes.

 

 

        On peut alors montrer que Marx ne totalise pas l’histoire parce qu’il n’a pas prévu les grandes figures du XXième siècle, ou qu’il ne totalise pas la société parce qu’il ne dit pas toutes les formes d’organisation sociale et tous les statuts pouvant y trouver durablement place.


 

-Marx prévoit le face à face bourgeoisie /prolétariat, or le 20° siècle est celui d’un gros bataillon de classes moyennes, laissant subsister quelques fortunes immenses, des classes très aisées et aisées, enfin une misère de véritables exclus appelés quart monde pour dire qu’il sont plus mal lotis que le tiers-monde car esseulés et sans solidarité dans une fourmilière qui continue de s’agiter en les ignorant totalement. Finalement c’est la question d’une simplification des classes sociales qui fait difficulté.

Même si l'avenir montrait une pertinence de la critique du capitalisme par Marx, comme l'envisage un Jeremy Rifkin dans La fin du travail, rien ne pousse à envisager les solidarités à construire à l'avenir sur un mode matérialiste athée avec disparition de toute religion et de toute référence à des institutions politiques objectivement justes, dont la forme objective aurait une réelle impartialité.


 

-La notion de classe sociale elle-même fait problème : on ne peut nier qu’il existe des classes sociales et des conflits de classe, mais est-il vrai que le concept de classe sociale permette de totaliser la société et que tout individu dans la société appartient à une classe sociale identifiable ?


 

-Comment par exemple définir le prolétaire ? Est-ce celui qui loue sa force de travail sans posséder les moyens de production ? Zinedine et Johnny sont alors des prolétaires, ainsi que toutes les stars du show business avant qu’elles ne deviennent producteurs…

 


 

-Tout le secteur du jeu, du divertissement culturel, musique, ordinateurs, CD et DVD, le tourisme, les jeux d’argent et de hasard, qui représentent des budgets considérables, même voire surtout chez les plus pauvres, sont très difficiles à situer avec des catégories marxiennes du 19° siècle.


 

-La religion doit disparaître… mais le marxisme lui-même, ou la psychanalyse, ont pu devenir des religions, même Staline a pu organiser le culte de la personnalité de Lénine, un individu !, et ce n’est  même qu’ainsi qu’il a pu espérer sauver le socialisme soviétique de son manque de foi… Le star system et ses fan (atiques) pose aussi la question de la disparition du religieux, de même que la récupération fréquente des paroles d’Evangiles dans les propos des politiques voulant galvaniser leurs adeptes dans des meetings ressemblant à des grand messes (et du « n’ayez-pas peur » par-ci, et du « en vérité en vérité je vous le dis » par-là, et des techniques de chauffage de salle en vue d’un enthousiasme nécessaire au zèle sans lequel on peine à s’engager durablement, même l’anticlérical est souvent zélé et stimulé par sa compétition avec le prêtre lorsqu’il est instituteur de la République, et peut perdre de son élan si ce zèle vient à lui faire défaut faute de clergé à surpasser… ce qui arrive quand l’anticléricalisme est une idéologie comme le cléricalisme auquel il s’oppose, oubliant qu’il existe de fait des gens du clergé qui ne sont pas « cléricaux » et qui refusent le « hors de l’Eglise point de salut » tout comme il existe des instituteurs non croyants mais zélés qui ne sont pas anticléricaux = il existe une expérience positive de l’altérité qui peut nourrir et ressourcer sans fanatisme idéologique, mais celui-ci ne disparaît pas, il peut prendre aujourd’hui les formes d’un certain militantisme écologique par exemple ou d’autres formes qu’on ne saurait épuiser, passion de la moto, de la voiture, etc…)


 

-Marx s’appuie sur un modèle atomiste et le mêle à une dialectique hegelienne enracinée dans une tentative de formaliser par concepts la notion chrétienne d’infini : il cherche à mélanger Aristote et Hegel et Epicure et Feuerbach … Mais est-ce métaphysiquement viable ?


     Une grande mode de ces dernières décennies est de prétendre sans valeur ni signification nos idées métaphysiques : c’est regrettable, car quelqu’un qui raisonne en métaphysicien ne peut aucunement espérer totaliser le réel à l’aide d’un modèle atomico-hégelien qui ressemble trop à un cercle carré.


-La politique, la question du juste, la question d’une possible transcendance de l’Etat sur la société, n’est pas nécessairement vouée à disparaître, la notion marxienne de dépérissement de l’Etat est problématique elle-aussi. Que les privilèges liés au politique doivent être remis en cause, c’est certain, mais de fait on est loin d’avoir suffisamment avancé dans cette voie. La notion de prestige inhérente au politique et la passion du pouvoir sont loin de disparaître.


-La volonté politique n’est-elle que reflet ? Il semble étrange que dans la Russie tsariste du début du XX° on ait pu réussir à industrialiser aussi vite le pays par la force de la volonté politique et des plans quinquennaux, et de même la passion du politique est si forte qu’il ne faut pas comme Marx la sous-estimer, il était peu probable que des individus qui ont goûté au pouvoir et aux privilèges qu’il apportent puissent à un moment se retirer et devenir des travailleurs parmi les autres sans privilège spécial. Ainsi la réussite de la Révolution dans la zone la moins industrielle, la plus rurale d’Europe, est déjà hors des prévisions de Marx, et de même l’épuisement du système alors qu’il avait réussi le plus difficile et qu’il était enfin industrialisé est à nouveau un problème pour une pensée collectiviste. Une philosophie du travail partagé est-elle assez forte pour pousser les hommes à dépasser leurs égoïsmes et se donner des conditions égales les uns aux autres ? L’histoire ne montre rien de tel.

 

 

 

 

    Bref la pensée de Marx peut nourrir une contestation légitime de l’ordre établi, elle oblige à donner l’importance qu’elle mérite à la question du travail qui est d’abord la question du corps et la question de la liberté, mais le fait qu’il y ait une nécessité du travail et un passage obligé par le travail pour être véritablement en possession de sa liberté signifie-t-il que le travail totalise l’homme ? Une médiation nécessaire est-elle le tout au prétexte qu’elle est nécessaire ?

 

-Weber a montré que le monisme marxien ne suffit pas à penser tout le détail de l’histoire des sociétés et toutes les formes de dynamique économique en montrant que les idées religieuses peuvent être non seulement des reflets des pratiques socio-économique mais aussi des facteurs originaux d’influence qui ont leur sens en eux-mêmes. Certains hommes ont pu entreprendre et influencer l’économie parce qu’ils étaient des protestants ascétiques inquiets de leur destinée après la mort et cherchant dans la fécondité de leur entreprise des signes de bénédiction. L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme montre que parfois les idées religieuses ne sont pas le reflet d’intérêts matériels inconscients, mais de véritables moteurs pouvant impacter des moments historiques sur des territoires importants, dépassant l’insignifiance anecdotique ou le simple hasard individuel.

 

  Max Weber écrit L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme dans les années 1904-1905, publié en 1912.

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